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XXXVIII


Je ne tardai pas à prendre congé pour jamais de cet odieux théâtre de misères. Dans le premier moment d’une délivrance aussi inattendue, mon cœur était trop plein de joie et de surprise pour qu’aucune inquiétude sur l’avenir pût y trouver place. Je sortis de la ville. Je m’acheminai lentement d’un air pensif, sans savoir où j’allais, tantôt me laissant emporter à des exclamations involontaires, tantôt enseveli dans une profonde et indéfinissable rêverie. Le hasard me conduisit vers ces mêmes bruyères qui m’avaient fourni une retraite au moment où je venais de forcer ma prison. Je me mis à errer dans les cavités et les vallons de cette solitude. Tout était désert et inculte autour de moi. Je ne saurais dire combien de temps je demeurai dans cet endroit. À la fin, la nuit me surprit sans que je m’en fusse aperçu, et je me disposai alors à retourner pour l’instant à la ville que je venais de quitter.

Il était tout à fait nuit, lorsque deux hommes que je n’avais pas remarqués jusqu’à ce moment, sautèrent tout à coup sur moi par derrière. Ils me saisirent par le bras et me renversèrent par terre. Je n’eus le temps ni de la résistance ni de la réflexion.