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un gentilhomme de 6,000 livres de rente fait arrêter un de ses domestiques pour vol, ce domestique pouvait se rejeter sur des accusations pareilles et s’il trouvait des magistrats ou des cours de justice qui se prêtassent à les écouter ! Je ne sais si le crime pour lequel vous êtes arrêté en ce moment vous mènera ou non à la potence, c’est ce que je ne prétends pas décider ; mais, ce qu’il y a de sûr, c’est qu’une histoire de ce genre-là doit vous y mener. Il faudrait bientôt renoncer à toute idée d’ordre et de gouvernement si, pour rien au monde, on laissait échapper des drôles qui foulent aux pieds d’une manière aussi atroce le respect du rang et des distinctions sociales.

— Et refusez-vous, monsieur, d’écouter les détails et les circonstances du fait que je déclare ?

— Oui, monsieur, je refuse… Mais, s’il vous plaît, quand je ne le refuserais pas, quels témoins avez-vous de ce meurtre ? »

Cette question me fit hésiter.

« Aucun… Mais je crois pouvoir établir mes preuves sur une suite d’indices et de circonstances qui sont de nature à forcer l’attention de l’auditeur le moins disposé à croire.

— Je m’en doutais bien… qu’on l’emmène de la barre. »

Tel fut le succès de ce dernier moyen de réserve, sur lequel j’avais toujours compté avec une confiance imperturbable. J’avais pensé jusqu’à ce moment que l’état de misère et de défaveur dans lequel j’étais placé ne se prolongeait que par une suite de