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lui et tout souvenir de respect ou d’estime. Je perdis toute considération pour la grandeur de ses qualités intellectuelles, toute pitié pour les tortures de son âme. J’abjurai aussi toute idée d’indulgence ; je résolus de me montrer aussi impitoyable, aussi inflexible que lui. L’insensé ! Y avait-il de la raison à lui de me pousser ainsi à la dernière extrémité et de me mettre au désespoir ? N’avait-il rien à craindre pour son affreux secret, et pour les meurtres répétés qui avaient souillé ses mains ?

Je parus devant les magistrats au bureau desquels me conduisirent Gines et son camarade, avec la résolution de dévoiler cet épouvantable secret dont jusqu’à ce moment j’avais été le religieux dépositaire, et une bonne fois pour toutes de mettre mon accusateur à sa véritable place. Il était bien temps de faire retomber la honte et les souffrances sur le vrai coupable. Non, l’innocence ne resterait pas éternellement muette sous l’oppression du crime ! J’avais été obligé de passer en prison le reste de la nuit de mon arrestation. Dans l’intervalle, je m’étais débarrassé de tout l’attirail de mon déguisement, et le lendemain je me présentai sous mon véritable aspect. Aussi ne fut-il pas difficile de constater l’identité de la personne, et, comme c’était toute la formalité que les magistrats devant lesquels je paraissais jugeassent être de leur compétence, ils se disposaient à rédiger une ordonnance pour me faire reconduire dans le comté de mon propre domicile. Je suspendis l’exécution de cette mesure, en déclarant que j’avais quelque chose à révéler,