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gardé le silence ; mais je me sentais bien déterminé à tout tenter pour ne pas me trahir moi-même, et j’étais un peu enhardi d’ailleurs par les doutes de Gines. En conséquence, prenant un air calme et résolu, et m’adressant à eux avec ma voix déguisée, dont une sorte de grasseyement formait un des caractères : « Dites-moi, je vous prie, messieurs, leur demandai-je, ce que vous désirez de moi ? — Eh bien, dit Gines, nous sommes ici pour chercher un certain Caleb Williams ; et c’est, ma foi, un coquin qui en vaut bien la peine. Je devrais le connaître assez, mais on dit que le drôle a autant de visages qu’il y a de jours dans l’année. Ainsi, vous plairait-il d’ôter votre visage d’aujourd’hui ? ou, si vous ne le pouvez pas, au moins pouvez-vous bien ôter vos habits, pour nous faire voir de quelle étoffe est la bosse que vous portez ? »

Je voulus faire quelques remontrances, mais elles furent vaines. Je voyais déjà mon déguisement en partie découvert, et Gines, quoique toujours incertain, se confirmait néanmoins à chaque instant de plus en plus dans ses soupçons. Quant à M. Spurrel, sa figure s’était renfrognée, et ses yeux inquiets regardaient avidement tout ce qui se passait. À mesure que mon imposture devenait plus palpable, il répétait son exclamation : « Dieu soit béni ! Dieu soit béni ! » À la fin, excédé de cette odieuse farce, et ne pouvant plus supporter le dégoût que me causait la figure basse et hypocrite qu’il me semblait que je faisais : « Eh bien oui ! m’écriai-je, je suis Caleb Williams ; conduisez-moi où vous voudrez !