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j’étais presque tenté de me rendre entre les mains de la justice, et de braver toute sa rigueur ; mais bientôt le ressentiment et l’indignation rentraient dans mon âme et ranimaient ma persévérance.

Quant aux moyens de pourvoir à ma subsistance, je ne voyais pas de meilleure ressource que celle dont je venais de me servir, qui était de chercher quelque personne par l’entremise de laquelle je pusse tirer parti de mon travail. Il n’était pas impossible de rencontrer un intermédiaire qui consentît à me rendre ce service ; mais où trouver l’âme active et bienfaisante de Mrs. Marney ? La personne sur laquelle je jetai les yeux était un M. Spurrel, qui travaillait en chambre pour les horlogers, et qui avait un logement au second étage de notre maison. Je l’examinai deux ou trois fois, en passant près de lui sur l’escalier : mes regards irrésolus annonçaient assez le désir et l’embarras de l’aborder. Il s’en aperçut, et finit par m’engager très-poliment à entrer chez lui.

Quand nous fûmes assis, il me témoigna combien il était fâché de ce que je paraissais être en mauvaise santé, et de ce que je menais un genre de vie si solitaire, me demandant s’il serait assez heureux pour pouvoir m’être bon à quelque chose, et ajoutant que du premier moment qu’il m’avait vu il avait conçu de l’affection pour moi. Dans le nouveau travestissement que j’avais pris, j’étais contrefait et bossu, rien n’était moins attrayant que ma personne. Mais, à ce qu’il paraissait, M. Spurrel avait perdu un fils unique, il y avait environ six mois, et j’étais