homme aussi extraordinaire par son adresse et son courage.
Après avoir écouté cette fois, pendant un certain temps, les récits merveilleux que Gines faisait à sa manière, l’imprimeur se sentit le désir d’amuser aussi à son tour son frère par quelque conte. Il se mit donc à lui débiter quelques-unes de mes histoires de Cartouche et de Gusman d’Alfarache. Elles piquèrent l’attention de Gines. Son premier mouvement fut de la surprise ; le second fut de la jalousie et du dépit. Où l’imprimeur avait-il pu apprendre de pareilles histoires ? On satisfit à sa question. Je vous dirai, dit l’imprimeur, que pas un de nous ne sait que penser de l’auteur qui nous fournit ces articles. Il écrit des vers, de la morale, de l’histoire ; je suis typographe et correcteur d’épreuves, et, sans vanité, je crois que je puis me flatter de me connaître assez passablement à toutes ces choses-là : à mon avis, il écrit dans ces différents genres avec beaucoup de finesse, et pourtant croiriez-vous que ce n’est pas autre chose qu’un juif ? »
Aux yeux de mon honnête imprimeur c’était une chose aussi étrange que si ces ouvrages eussent été faits par quelque chef de Cherokées aux bords du Mississipi.
« Un juif ! et d’où le connaissez-vous ? l’avez-vous jamais vu ?
— Non ; c’est une femme qui nous a toujours apporté jusqu’à présent ces articles. Mon maître ne peut pas souffrir le mystère, il aime à voir ses auteurs ; aussi ne cesse-t-il de tourner et de retourner