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ran. Après son expulsion de la compagnie, il revint à sa profession légale, et il fut reçu dans ce bercail par ses anciens camarades avec joie et félicitation, comme une brebis égarée. Dans les classes vulgaires de la société, le laps de temps ne suffit pas pour effacer un crime ; mais dans cette respectable confrérie, c’est une maxime reçue de ne jamais exiger d’aucun des membres le compte de sa conduite, quand il est possible de s’en dispenser. Une autre maxime observée par ceux qui ont passé par les mêmes grades que Gines, maxime que Gines lui-même avait adoptée, c’est de réserver toujours pour les derniers ceux qui ont été complices de leurs expéditions, et de ne jamais s’attaquer à eux, à moins de grande nécessité ou de quelque amorce très-puissante. Par cette raison, le capitaine Raymond et ses associés, selon le système de tactique suivi par Gines, étaient à l’abri de ce qu’il appelait ses représailles.

Mais, quoique Gines eût des principes d’honneur, en prenant le mot dans ce sens, malheureusement je me trouvais dans un cas qui était hors de ces lois de l’honneur qu’il jugeait à propos de reconnaître. L’infortune m’enveloppait de toutes parts, et me refusait toute espèce de protection et de refuge. J’étais poursuivi sur la supposition que j’avais commis un vol capital, montant à une somme énorme. Mais Gines n’avait nullement participé au vol qu’on m’imputait : il se souciait fort peu que la supposition fût vraie ou fausse, et il me haïssait aussi cordialement que si mon innocence