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Gines, ce voleur qui avait été chassé de la bande du capitaine Raymond, avait toute sa vie été flottant entre les deux professions d’ennemi des lois et d’agent de la justice. Après avoir débuté par la première, vraisemblablement son initiation dans les secrets du métier des voleurs l’avait rendu singulièrement préparé à l’art de les prendre, emploi qu’il avait adopté par nécessité plutôt que par choix. Il avait donc bientôt acquis dans cette profession une réputation brillante, quoiqu’elle fût peut-être encore au-dessous de son mérite : car il en est de ce département du régime social comme de tous les autres ; quelque prudence et quelque habileté que puissent déployer les subalternes, les chefs en confisquent l’éclat et l’honneur. Gines exerçait son art en ce genre avec le plus beau succès, quand, par je ne sais quel accident, il arriva qu’un ou deux de ses exploits, dont la date était antérieure à l’époque où il avait quitté la bannière du brigandage illégal, furent dans le cas d’attirer un peu trop l’attention publique. Sur les avis réitérés qu’il en reçut, il jugea qu’il était prudent de décamper, et c’était pendant cette période de retraite qu’il était entré dans la troupe de ***.

Telle était l’histoire de cet homme avant qu’il eût été placé dans le poste où je l’avais rencontré pour la première fois. À l’époque de cette rencontre, il était déjà un des vétérans de la bande du capitaine Raymond ; car les voleurs étant un peuple dont la vie est de courte durée, il ne faut pas beaucoup de temps pour parvenir chez eux à la dignité de vété-