Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en temps quelques paroles avec cette excellente personne, qui était de la meilleure humeur du monde et déjà d’un âge à écarter tout scandale. Elle vivait d’une petite pension que lui faisait une femme de qualité, sa parente éloignée, qui, riche à millions, n’avait sur le compte de celle-ci qu’une seule inquiétude, c’est qu’elle ne s’avisât de déshonorer son alliance par l’exercice de quelque honnête industrie. Il n’y avait pas de caractère plus uniformément gai et actif que celui de cette bonne créature, qui se trouvait exempte en même temps des soucis de la richesse et des privations de la misère. Quoiqu’elle ne prétendît guère à l’esprit et qu’elle eût peu d’instruction, elle ne manquait pas de sagacité naturelle. Elle discernait très-bien les fautes et les sottises des hommes ; mais son humeur était si douce et si indulgente, que beaucoup de gens en auraient inféré qu’elle n’apercevait rien de tout cela. Il y avait dans son cœur un excès de bonté et de bienveillance qui ne cherchait qu’à s’épancher. Sincère et vive dans son affection, elle ne laissait jamais passer l’occasion d’obliger quelqu’un.

Si ce n’eût été une femme de ce caractère, probablement je n’aurais pas osé m’adresser à elle, après avoir choisi le rôle d’un jeune juif retiré du monde. Mais à la manière dont elle répondit à mes avances et à mes politesses, je m’aperçus bientôt que son cœur était au-dessus de toute espèce de vulgaires considérations. Dès que je lui fis connaître ce que j’attendais d’elle, je lui trouvai de la bonne volonté et même de l’empressement à s’en