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deviner, sous ce nouveau déguisement, la personne de Caleb Williams.

Quand je fus une fois avancé jusqu’à ce point dans l’exécution de mon plan, je trouvai à propos de me procurer un logement et de changer mon allure, jusqu’ici toujours errante, pour un genre de vie sédentaire. Là, je me tins renfermé constamment depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher ; je sortais seulement quelques instants pour prendre l’air et me donner un peu d’exercice ; encore était-ce de nuit. Quoique logé à l’étage le plus près du toit, je poussais la précaution jusqu’à ne pas m’approcher de ma fenêtre ; enfin je m’étais fait une règle de ne pas m’exposer inconsidérément et sans nécessité à un risque, quelque léger qu’il pût paraître.

Ici je m’arrêterai un moment pour exposer au lecteur la gradation naturelle de mes impressions. J’étais né libre ; j’étais né avec la santé, robuste, actif, et avec tous les avantages d’un corps bien conformé. Je n’étais pas destiné à jouir d’une richesse héréditaire ; mais j’avais reçu de la nature les dons plus précieux d’une âme entreprenante, d’un esprit curieux et d’une noble ambition. En un mot, satisfait du sort qui m’était échu en partage, j’étais sûr de triompher de tous les obstacles dans la carrière de la vie. Je me contentais de ne pas aspirer trop haut ; j’aimais à risquer peu à la fois : je prétendais toujours monter et ne jamais descendre.

Eh bien, cette liberté d’esprit et ce courage que j’avais déployés au début de la vie, une seule cir-