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avec moi à une distance qui me parut suffisante, je la laissai dans le coin d’une ruelle que j’eus à traverser. Ensuite mon premier soin fut de me pourvoir d’un autre costume qui ne ressemblât en rien à ceux dont j’avais fait usage jusqu’à ce moment. L’extérieur que je me décidai à me donner cette fois fut celui d’un juif. Nous avions dans la forêt un de nos voleurs qui était de cette nation ; et, grâce au talent que j’ai pour l’imitation, ainsi que je l’ai dit, je parvins facilement à contrefaire l’accent israélite de manière à me tirer d’affaire dans toutes les occasions qui pourraient se présenter. Une des précautions préliminaires que je ne négligeai pas, ce fut de me rendre à un quartier de la ville où les juifs demeuraient en grand nombre, et d’y étudier leur mine et leurs manières. Après avoir ainsi fait ma provision et m’être aussi bien préparé que la prudence pouvait l’exiger, je m’en allai chercher un lit dans une auberge, entre Mile-End et Wapping. Là, j’endossai mon nouvel accoutrement, et, après avoir pris les mêmes précautions que la dernière fois, je quittai ce logement à l’heure où il y avait le moins de risque d’être vu. Il serait assez superflu de décrire ici mon déguisement dans tous ses détails. Il suffira de dire qu’un de mes soins fut de changer tout à fait la couleur de mon visage, et de lui donner cette teinte jaunâtre qui est la plus ordinaire aux gens de la caste que j’avais adoptée. Quand ma métamorphose fut achevée, après m’être bien examiné dans tous les sens, il me fut impossible de m’imaginer que qui que ce fût s’avisât jamais de