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ordinaires que le génie colossal de M. Falkland était fait pour être jugé. Par la même raison, Londres, qui paraît être pour la généralité des hommes un inépuisable réservoir de ressources pour se dérober aux recherches, ne pouvait pas s’offrir à moi sous cet aspect consolant. Si la vie valait la peine que je l’acceptasse à de telles conditions, c’est sur quoi je ne puis prononcer. Tout ce que je sais, c’est que je m’attachai avec persévérance à diriger toutes mes facultés vers le but que je m’étais proposé, et que j’embrassai cette résolution par une suite de l’affection paternelle que les hommes ont ordinairement pour les productions de leur intelligence ; plus j’avais consommé de pensées et d’efforts ingénieux pour amener mon projet au degré de perfection ou il était, moins j’étais disposé à l’abandonner. Un autre motif qui ne m’animait pas avec moins d’ardeur à la poursuite de mon dessein, c’était cette aversion que je sentais toujours croître dans mon âme contre l’injustice et l’arbitraire.

Le premier jour de mon arrivée à Londres, je me retirai dans une petite auberge du faubourg de Southwark, quartier que j’avais préféré à cause de son éloignement de la province d’où je venais. J’entrai dans cette auberge sur le soir, revêtu de mon costume de campagnard. Je payai mon logement avant de me coucher. Le lendemain matin, autant que ma garde-robe me le permit, je me composai un accoutrement le plus différent possible de celui de la veille, et je quittai le logis avant le jour. Je pliai ma blouse en un petit paquet, et, l’ayant emportée