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C’était jour de marché. Comme je passais près de la place, j’aperçus deux hommes qui me regardaient avec beaucoup d’attention ; tout à coup un d’eux s’écria : « Je veux être pendu si je ne crois pas que c’est le drôle que cherchaient ces hommes qui viennent de partir il y a une heure par la voiture de… » Cette remarque me causa une cruelle alarme ; je doublai aussitôt le pas, et au premier détour j’enfilai bien vite une ruelle étroite qui s’offrit à moi. Dès que je fus hors de la portée de la vue, je me mis à courir de toutes mes forces, et je ne me crus en sûreté que lorsque je fus à plusieurs milles de distance de l’endroit où cette observation avait frappé mon oreille. J’ai toujours pensé que les hommes auxquels elle avait rapport étaient ces deux officiers de justice qui m’avaient arrêté à bord du navire qui devait me transporter en Irlande ; ils avaient trouvé par quelque accident le signalement de ma personne tel que M. Falkland l’avait fait publier, le rapprochement des diverses circonstances les avait amenés à conclure que la personne désignée dans ce signalement était précisément l’individu qu’ils venaient d’avoir en leur puissance. Dans le fait, c’était une extrême imprudence de ma part, dont il m’est impossible de dire à présent la cause, d’avoir gardé toujours le même déguisement, sans y rien changer, après les indices multipliés qui devaient concourir à leur faire conjecturer que je me trouvais dans des circonstances très-particulières et très-critiques. Je n’avais donc échappé une dernière fois que par un bonheur inouï. Si, par suite de l’orage