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Je ne découvrais ni bêtes, ni gens, ni habitation d’aucune espèce. J’avais toujours marché, délibérant, à tous les sentiers qui s’offraient à moi, quel était celui que je devais prendre, et n’ayant jamais le moyen de trouver une seule raison pour rejeter l’un et préférer l’autre. Toutes ces contrariétés m’avaient désolé au dernier point ; je jurais entre mes dents, tout en continuant ma marche ; j’étais plein de dégoût de la vie, je la maudissais, ainsi que tout ce qu’elle traîne à sa suite. Enfin, après avoir erré ainsi sans aucune direction certaine, pendant plus de deux heures, j’avais été surpris par la nuit. Aucun chemin frayé ne se présentait à moi, et il n’y avait pas moyen de penser à aller plus loin.

Me voilà donc sans abri, sans nourriture, sans espérance ; pas un lambeau de mes vêtements qui ne fût aussi mouillé que si je venais d’être pêché au fond de la mer. Mes dents craquaient ; je tremblais de tous mes membres ; j’avais dans le cœur la rage et le désespoir. Tantôt c’était quelque corps dur que je n’avais pas aperçu, contre lequel je me heurtais, et qui me faisait tomber ; tantôt c’était un obstacle qui se trouvait devant moi, et qui m’obligeait à revenir sur mes pas.

Il n’y avait pas de liaison directe entre ces contretemps accidentels et la persécution que je fuyais ; mais dans mon esprit malade toutes ces idées se confondaient. Je maudissais tout le système de l’existence humaine. « Malheureux proscrit que je suis, me disais-je à moi-même, mourons donc ici, puisque c’est mon sort, par la faim et par le froid,