Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moindre butin. Ils me conduisirent donc à une auberge, et ayant donné des ordres pour une voiture, ils me prirent en particulier, tandis qu’un d’eux me parla en ces termes :

« Vous voyez bien, mon garçon, de quoi il retourne ; vous venez à Warwick, il n’y a pas à reculer, et, ma foi, quand vous serez là, je ne réponds pas de ce qui vous arrivera. Vous êtes innocent ou vous ne l’êtes pas, ce n’est pas mon affaire ; mais mettons que vous soyez innocent, vous n’êtes pas encore assez innocent pour croire que cela rendra votre cause tout à fait sûre. Vous avez, dites-vous, des affaires qui vous appellent d’un autre côté, et vous êtes bien pressé de retourner ; moi, je n’ai pas le courage de porter préjudice à un homme dans ses intérêts, quand je peux faire autrement. Ainsi donc, voyez-vous, si vous voulez vous défaire de vos quinze guinées, c’est une affaire finie. Elles ne vous sont bonnes à rien, vous savez qu’un mendiant est toujours chez lui. Et puis, pour ce qui est de cela, il ne tenait qu’à nous de les garder par formalité de justice, comme vous l’avez bien vu chez le juge de paix. Mais je suis un homme qui agis par principe, j’aime à jouer cartes sur table, et je dédaigne d’extorquer un shelling à qui que ce soit. »

Quelqu’un qui a dans le cœur des sentiments de morale est souvent disposé à se laisser aller dans l’occasion à son impulsion naturelle, sans songer à l’intérêt du moment. J’avoue que le premier mouvement qu’excita en moi cette ouverture fut celui de l’indignation. Je fus entraîné d’une manière ir-