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de cette manière de procéder. Je représentai au magistrat qu’il était démontré impossible que je fusse l’individu désigné dans le signalement. Il portait un Irlandais, et moi je n’étais pas Irlandais ; il indiquait une personne plus petite que moi, et de toutes les circonstances c’était bien celle où il était le moins possible de tromper. « Il n’y avait pas le plus léger motif pour me tenir en arrestation. J’avais déjà eu le malheur de manquer mon voyage et de perdre l’argent de mon passage par l’empressement de ces messieurs à s’emparer de moi. » Je protestai que, dans la situation de mes affaires, le moindre retard était pour moi de la dernière conséquence. Il était impossible de me faire un plus grand tort que de m’envoyer au centre du royaume comme prisonnier, au lieu de me laisser continuer mon voyage.

Toutes mes remontrances furent vaines. Le juge n’était nullement d’humeur à se laisser parler sur ce ton-là par un homme qui portait un habit de mendiant. Au milieu de ma harangue, il m’aurait bien imposé silence à cause de l’impertinence de mes discours ; mais je parlais avec une volubilité et une chaleur qu’il n’était pas maître d’arrêter. Il fallut donc attendre que j’eusse fini ; alors il me dit que tout ce verbiage ne servait de rien, et que j’aurais beaucoup mieux fait de me montrer moins insolent. Il était clair que j’étais un vagabond et un homme suspect. Plus je faisais voir d’envie de m’en aller, et plus il y avait de raisons de me serrer de près. Peut-être trouverait-on, après tout, que j’étais vrai-