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et lui dirent qu’ils avaient eu ordre de se rendre à la ville, sur l’avis que l’un des voleurs de la malle d’Édimbourg y était, et qu’ils m’avaient surpris à bord d’un navire prêt à faire voile pour l’Irlande.

« Fort bien, dit le juge de paix, voilà votre dire ; voyons maintenant quel compte ce gentilhomme-ci nous rendra de sa personne. Allons, drôle, votre nom ? De quel endroit du Tipperary vous plaît-il de vous dire ? »

Ma réponse était déjà prête sur cette question ; et du moment où j’avais eu connaissance du genre d’accusation portée contre moi, j’avais pris le parti de laisser là, au moins pour le moment, mon accent irlandais, et de parler ma langue naturelle. C’était ce que j’avais déjà fait dans le peu de mots que j’avais dits à mes conducteurs dans l’antichambre ; cette subite métamorphose les avait pétrifiés, mais ils avaient été trop loin pour pouvoir se rétracter avec honneur. Je répondis donc au juge que je n’étais pas Irlandais, mais natif d’Angleterre, et n’avais même jamais été en Irlande. Cette réponse donna lieu à consulter le signalement où ma personne était censée désignée, et que mes conducteurs avaient porté avec eux pour se diriger. Sans nulle équivoque la désignation exigeait que le délinquant fût Irlandais.

Observant que le juge hésitait, je crus que c’était le moment de pousser un peu plus loin ce moyen de justification. Je m’en référai au même papier, et lui fit remarquer que le signalement ne se rapportait à moi ni quant à la taille, ni quant aux autres