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être mystérieux dont on nous dit que la vengeance nous atteindrait sous une masse des montagnes vainement accumulées sur nous ? Aucune idée n’est plus propre à plonger l’âme dans l’abattement et le désespoir. Mais il ne s’agissait pas ici pour moi d’un point de raisonnement ni d’un article de foi ; ce n’était ni en lui refusant ouvertement ma croyance, ni en me retranchant secrètement dans la nature vague et incompréhensible de l’idée même, que je pouvais trouver quelque soulagement. C’était une chose qui tombait sous le sens ; je sentais les griffes du tigre s’enfoncer dans mon cœur.

Mais, quoique cette impression fût d’abord très-violente et qu’elle eût amené avec elle sa suite ordinaire, le découragement et la pusillanimité, cependant, comme par un mouvement machinal, mon esprit revint à calculer la distance entre ce port de mer et la ville de ma prison, ainsi que toutes les diverses occasions qu’un si long espace pouvait m’offrir pour m’échapper. Mon premier soin devait être de prendre bien garde de rien faire qui fût propre à me découvrir plus que je ne l’étais réellement. Quoique arrêté, il pouvait se faire qu’on se fût déterminé à cette mesure sur de légers indices, et qu’avec ma dextérité je vinsse à bout de me faire relâcher aussi facilement qu’on m’avait pris. Il était même possible que cette arrestation fût l’effet d’une méprise et n’eût pas le moindre rapport aux poursuites de M. Falkland. Dans toutes les hypothèses, mon rôle était d’attendre des éclaircissements et de n’en point donner.