Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.

prunt et mon baragouin irlandais me donnaient beaucoup d’assurance et me semblaient faits pour braver tous les hasards possibles.

Nous ne fûmes pas plutôt en présence sur le pont, qu’à ma grande consternation, il ne me fut pas difficile de reconnaître que l’attention des nouveaux venus se tournait principalement sur moi. Ils firent quelques questions vagues aux passagers les plus proches d’eux, et ensuite, venant à moi, ils me demandèrent mon nom, qui j’étais, d’où je venais, et pourquoi je me trouvais là ? J’eus à peine ouvert la bouche pour leur répondre, que tous deux, d’un commun accord, se saisirent de moi, en disant que j’étais leur prisonnier, et en assurant qu’il ne fallait pas autre chose que mon accent et le rapport du signalement pour me faire condamner devant tous les tribunaux d’Angleterre. Je fus entraîné hors du vaisseau et jeté dans le bateau qui les avait amenés, où ils me firent asseoir entre eux deux, comme pour empêcher que je ne songeasse à sauter dans la mer pour leur échapper.

Dès lors, je ne mis plus en doute que j’étais encore une fois retombé au pouvoir de M. Falkland, et cette idée fut pour moi la plus douloureuse qu’il fût possible d’imaginer. Échapper à sa poursuite, m’affranchir de sa tyrannie, était l’objet vers lequel étaient tendus tous les ressorts de mon esprit ; cet objet était-il donc au-dessus de tous les efforts humains ? Le pouvoir de mon ennemi remplissait-il donc tout l’espace, et son œil savait-il percer à travers tous les déguisements ? Ressemblait-il à cet