Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/139

Cette page a été validée par deux contributeurs.

depuis le temps il était déjà bien loin ; mais que, si cela n’était pas, elle souhaitait de grand cœur que la malédiction de Dieu pût tomber sur ceux qui trahiraient un si gentil garçon pour lui faire faire une mauvaise fin. Quoiqu’elle fût bien loin de soupçonner que celui dont elle parlait fût aussi près d’elle, cependant cette chaleur si franche et si généreuse avec laquelle elle prenait mon parti me causa un vrai plaisir. Je me retirai de la cuisine en emportant avec moi ce sentiment de satisfaction pour adoucir les fatigues de la journée et le malheur de ma situation ; je gagnai une grange voisine, où je m’étendis sur un peu de paille, et tombai bientôt dans un profond sommeil.

Le lendemain, sur le midi, comme je continuais mon chemin, je rencontrai deux hommes à cheval qui m’arrêtèrent pour s’informer à moi d’une personne qu’ils prétendaient avoir dû passer sur cette même route. À mesure qu’ils détaillaient le signalement de la personne, je m’aperçus, avec un saisissement de frayeur, que j’étais moi-même l’individu que leurs questions avaient pour objet. Ils entrèrent dans une description assez exacte et assez circonstanciée de tous les signes qui pouvaient servir à me faire reconnaître. Ils ajoutèrent qu’ils avaient de bonnes raisons pour croire qu’on m’avait vu la veille même dans un endroit de ce comté. Pendant qu’ils parlaient, une troisième personne qui était restée derrière se joignit à eux, et ma peur augmenta cruellement quand je la reconnus pour ce même domestique de M. Forester qui était venu me voir