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cette circonstance comme bien importante. Mon déguisement me paraissait un préservatif suffisant contre le danger du moment ; en conséquence, sans suivre le chemin le plus direct, je pris un sentier qui devait me conduire au point indiqué.

Quelques-uns des incidents de cette journée méritent d’être rapportés. Comme je passais le long d’une grande route que je suivis pendant quelques milles, j’aperçus un carrosse qui venait dans la direction opposée à la mienne. Je délibérai un moment en moi-même si je passerais sans rien dire, ou bien si je saisirais cette occasion de faire, de la voix ou du geste, un essai de mon nouveau métier. Mais je cessai bientôt d’être incertain quand j’eus reconnu cette voiture pour celle de M. Falkland. Cette rencontre soudaine me frappa d’épouvante, quoique, en y réfléchissant avec plus de sang-froid, il fût difficile d’y voir un bien grand danger. Je me cachai derrière une haie, jusqu’à ce que la voiture fût tout à fait passée. J’étais trop vivement ému de l’impression qu’elle m’avait faite pour me risquer à examiner si cet équipage renfermait ou non le terrible ennemi de mon repos. Je me persuadai qu’il y était. Mes yeux suivirent le carrosse, et je m’écriai : « Voilà le faste et les aisances de la vie qui accompagnent le crime, et voici le dénûment et la misère qui sont le partage de l’innocence ! » J’avais tort de m’imaginer qu’il y eût à cet égard, dans ma situation, rien qui me fût particulier. Je rapporte cette circonstance pour faire voir seulement comme les plus petites choses contribuent à rendre plus amère encore aux