Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de mes frayeurs actuelles, et je compris qu’un des principaux dangers dont je fusse menacé était que ma figure fût reconnue par quelqu’un qui m’aurait vu autrefois, ou même par des étrangers qui auraient lu mon signalement. En conséquence, il me parut prudent de me déguiser le plus efficacement possible. À cet effet, j’eus recours à un paquet de guenilles qui était dans un des coins de notre demeure. Le déguisement que j’adoptai fut celui d’un mendiant. D’après ce plan, je quittai ma chemise. Je m’attachai autour de la tête un mouchoir avec lequel j’eus soin de couvrir un de mes yeux, et par-dessus je mis un vieux bonnet de nuit en laine. Je choisis le plus mauvais habit qu’il me fut possible de trouver, et je lui donnai encore l’air plus misérable au moyen de déchirures que j’y fis à dessein en plusieurs endroits. Affublé de cet accoutrement, je me regardai dans un miroir. Mon travestissement me sembla parfait, et personne ne m’aurait soupçonné de ne pas appartenir à la confrérie dont je voulais passer pour membre.

« Voilà, me dis-je à moi-même, la forme sous laquelle la tyrannie et l’injustice m’obligent de chercher un refuge ; mais il vaut mieux, mille fois mieux, encourir le mépris sous les haillons de la misère et parmi la lie de l’espèce humaine, que de compter sur la compassion et la sensibilité de ceux qui se croient supérieurs aux autres hommes. »