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son instrument de mort, et le jetai par terre. Jusqu’à ce moment, l’attention qu’elle mettait à diriger ses efforts avait contenu sa furie ; mais alors elle se prit à grincer des dents, à rouler des yeux égarés qui semblaient lui sortir de la tête, et dans les convulsions de sa rage à s’agiter comme une démoniaque.

« Scélérat et démon ! s’écriait-elle. Que penses-tu donc faire de moi ? »

Jusqu’à ce moment la scène avait été complétement muette.

« Rien, lui répondis-je ; va-t’en, infernale sorcière, et laisse-moi en repos.

— Que je te laisse ! Oh ! que non. Je veux t’enfoncer mes dix doigts dans les côtes, t’arracher le cœur et boire ton infâme sang !… Ah ! tu crois venir à bout de moi ! Ah ! bien oui !… Tu verras… Je t’étoufferai sous moi, je te ferai rôtir à petit feu avec du soufre, je t’écraserai tes entrailles sur les yeux. Ah ! ah ! »

Elle se releva et se prépara à m’attaquer avec un redoublement de furie. Je lui saisis les mains et la forçai de s’asseoir sur le lit. Dans cette attitude, elle continua à exprimer sa rage par des grincements de dents, par des mouvements de tête frénétiques, et de temps en temps par de violents efforts pour se dégager de moi. Ses contorsions et ses soubresauts étaient de la nature de ces accès où quatre personnes ne peuvent quelquefois suffire à contenir le convulsionnaire ; mais, dans les circonstances où j’étais, je trouvai, par expérience, que j’avais assez de ma force seule. Rien n’était plus effroyable que le spectacle