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place, dans une telle compagnie, et employant ses rares talents d’une manière aussi méprisable. J’avais essayé de déchirer le voile qui l’aveuglait ainsi que les autres membres de la bande, mais j’avais trouvé dans mon entreprise des obstacles plus grands que je ne l’avais imaginé.

Que faire donc ? attendrais-je, en fervent missionnaire, l’issue de la conversion que j’avais tentée, ou bien me retirerais-je sur-le-champ ? Si je prenais le parti de m’en aller, devais-je exécuter ce projet furtivement, ou bien, au contraire, déclarer hautement ma résolution, et tâcher ainsi d’achever par la force de l’exemple ce que mes arguments n’avaient pu faire ? Certes, refusant, comme je le faisais, de prendre la moindre part aux expéditions des voleurs, ne payant pas de ma personne dans les dangers dont ils tiraient leur subsistance, et ne cherchant point à prendre leurs habitudes, il ne convenait pas que je continuasse mon séjour chez eux plus longtemps que ne l’exigeait la nécessité. D’ailleurs, il y avait une circonstance qui rendait cette délibération fort urgente. Ils avaient le projet de quitter sous peu de jours leur habitation actuelle, pour aller gagner un autre gîte qu’ils avaient dans une province éloignée. Si je ne me proposais pas de rester avec eux, peut-être ne serait-il pas bien de les accompagner dans cette émigration. L’état d’infortune inouïe où m’avait plongé mon inflexible persécuteur m’avait réduit à regarder comme la plus heureuse des aventures la rencontre d’une caverne de voleurs. Mais le temps qui s’était écoulé depuis avait probablement été suf-