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À l’offense impardonnable que j’avais ainsi commise dans cette première circonstance, se joignit la thèse que j’avais soutenue dernièrement contre la profession de voleur. Le respect dû à ce métier était un article fondamental du credo de cette vieille scélérate, et elle ne dissimulait pas plus la surprise et l’horreur que lui causaient mes objections, que ne l’eût fait une vieille d’un autre genre de confrérie devant laquelle on s’aviserait de disputer sur les angoisses et la mort du créateur du monde, ou sur la robe sans tache qui est préparée pour envelopper les âmes des élus. De même que les bigots religieux, elle était très-disposée à employer les armes des vengeances mondaines contre ceux qui déclaraient la guerre à ses opinions.

Moi, cependant, je riais de sa malice impuissante comme d’un sentiment à mépriser plutôt qu’à craindre. Elle s’aperçut, à ce que j’imagine, du peu de cas que je faisais d’elle, et cela ne put que contribuer beaucoup à augmenter l’orage qui grossissait contre moi.

Un jour, on me laissa seul dans la maison, sans autre compagnie que cette noire sibylle. La veille, les voleurs étaient sortis pour une expédition, environ deux heures après le coucher du soleil, et ils n’étaient pas rentrés, comme à leur ordinaire, le matin avant la pointe du jour. C’était une circonstance qui arrivait quelquefois, et qui ne donna lieu par conséquent à aucune inquiétude extraordinaire. Tantôt la piste du gibier les conduisait au delà du terme qu’ils s’étaient prescrit ; tantôt c’était la crainte