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résista longtemps avant de les admettre ; mais à la fin il les admit complétement et n’eut plus en réserve qu’un seul moyen de réplique.

« Hélas ! me dit-il, Williams, il eût été bien heureux pour moi que ces vues m’eussent été présentées avant que j’eusse embrassé la profession que j’exerce. Il est trop tard maintenant. Ces mêmes lois, dont l’iniquité évidente, frappant ma raison, m’a poussé dans l’état où je suis, me ferment aujourd’hui toute voie de retour. Dieu, nous dit-on, juge les hommes sur ce qu’ils sont à l’époque du jugement ; et, quels que puissent être leurs crimes, s’ils en ont reconnu l’erreur et s’ils l’ont abjurée, il les reçoit en grâce. Mais des pays qui professent le culte de ce même Dieu n’admettent pas cette distinction dans leur code. Ils ne laissent pas de porte à l’amendement du coupable, et semblent prendre un plaisir barbare à confondre les démérites de ceux qu’ils ont à juger. Ils ne s’embarrassent pas de ce qu’est le caractère de l’individu à l’heure où ils prononcent sa sentence. Quelque changé, quelque honnête, quelque utile qu’il puisse être, il n’y gagnera rien. Si, après un laps de quatorze ans[1], ou même de quarante[2], ils découvrent dans sa vie passée une action pour laquelle la loi a prononcé la peine de mort, vainement cet intervalle tout entier eût été rempli par une vie sainte et le patriotisme le plus pur, ils ne daigneront pas même

  1. Eugène Aram. — Voyez l’Annual register, année 1759.
  2. William André Horne. — Id., même année.