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pas un homme comme moi qu’on sacrifie à une simple précaution. » La conduite de M. Falkland lorsqu’il fut question de m’emprisonner et différentes autres particularités survenues depuis, m’avaient encouragé dans cette manière de penser.

Mais ce nouvel incident changeait bien la face des choses. Je voyais maintenant un homme qui, non content d’avoir détruit ma réputation, de m’avoir retenu longtemps dans un affreux cachot et de me réduire à la condition d’un vagabond sans asile, était encore acharné à me poursuivre avec une barbarie sans relâche, dans une situation aussi déplorable. L’indignation et le ressentiment semblaient en quelque sorte s’emparer pour la première fois de mon âme. J’avais été si bien à portée de voir l’état misérable dans lequel M. Falkland était réduit, j’en connaissais si parfaitement la cause et j’étais si fortement pénétré de l’idée qu’il ne méritait pas tous ces maux, que même, jusqu’à ce moment, au milieu des plus cruelles souffrances, j’avais conservé de la pitié plutôt que de la haine pour mon persécuteur. Mais ceci apporta quelque changement dans ma façon de sentir à son égard. « Certainement, me disais-je, il devrait bien voir qu’il m’a suffisamment mis hors d’état de lui nuire, et il serait bien temps qu’il me laissât enfin respirer. Ne devrait-il pas au moins se contenter de m’abandonner à la condition si précaire et si dangereuse d’un criminel échappé des fers, sans aller encore exciter davantage contre moi l’animosité et la vigilance publiques ? Quoi donc ! son opposition aux mesures rigoureuses de