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réserve en mauvaise part. Il ne tira aucune conséquence défavorable contre moi de l’obscurité que ce silence jetait sur le reste de mon récit. Il avait trop de pénétration pour qu’un imposteur pût se flatter de lui en faire accroire, et il se fiait aussi sur cette pénétration. D’après cela, il n’est pas étonnant que mes manières franches et ouvertes portassent la conviction dans son esprit, et que ma confidence n’eût fait qu’ajouter à la bonne opinion et à l’amitié que je lui avais déjà inspirées.

Il écouta mon histoire avec beaucoup d’intérêt, et il en commentait les différentes parties à mesure que je les lui rapportais. Il me dit que ce n’était là qu’un nouvel exemple des manœuvres perfides et tyranniques employées par les membres riches et puissants de la société contre ceux qui n’ont pas les mêmes priviléges. Rien n’était plus évident que leur disposition à sacrifier tout le reste de l’espèce humaine à leur plus petit intérêt ou au caprice le plus bizarre. Quel était celui qui, voyant dans leur véritable jour la position des choses, voudrait attendre l’instant où il plairait à ses oppresseurs de résoudre sa ruine totale, plutôt que de prendre les armes pour sa propre défense, quand il en était encore temps ? Quel était le plus méritoire, de la basse et rampante soumission d’un esclave, ou de la généreuse résolution d’un homme qui entreprenait de venger ses droits ? Puisque l’administration partiale de nos lois réduisait l’innocence au niveau du crime, quand une fois le puissant était armé contre elle, quel homme d’un vrai courage pourrait balan-