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du dégoût, et il y en avait qui annonçaient une telle dépravation de cœur, que beaucoup de lecteurs refuseraient de les croire. Cependant cet homme avait aussi ses vertus. Il était entreprenant, plein de persévérance et de fidélité.

Son éloignement fut un événement heureux pour moi. Ce n’aurait pas été un petit inconvénient que d’être renvoyé sur-le-champ de cette maison, dans la position critique où je me trouvais, avec une blessure pour surcroît de maux ; et pourtant je n’aurais guère pu risquer de demeurer sous le même toit avec un homme à qui mon visage rappelait sans cesse son propre crime et la sévère réprimande de son chef. Sa profession l’avait habitué, jusqu’à un certain point, à suivre sans réserve la fougue de ses passions, et à en voir les suites avec indifférence ; il aurait pu trouver aisément une occasion favorable pour m’insulter ou me frapper, lorsque j’étais trop faible pour me défendre.

Délivré de ce danger, je trouvai ma situation assez satisfaisante pour les circonstances où j’étais. Du côté du secret, elle m’offrait des avantages tels que jamais mon imagination, dans ses plus beaux rêves, n’aurait pu se les figurer ; et d’ailleurs elle n’était pas dépourvue des douceurs que puise un infortuné dans l’affection et l’humanité de ses semblables. Rien ne se ressemblait moins que les voleurs que j’avais vus dans la prison de… et les voleurs de ma nouvelle demeure. Ceux-ci étaient en général pleins de gaieté et de bonne humeur ; ils pouvaient donner libre carrière à leurs idées ; ils pou-