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croirez convenable ; mais, quant à ce qui me concerne personnellement, je vote pour que Gines soit chassé d’entre nous, comme un homme qui déshonore la société. »

Cette proposition réunit, à ce qu’il parut, l’assentiment général. Il était aisé de s’apercevoir que l’opinion de tous les autres était la même que celle du chef, quoique cependant quelques-uns fussent en suspens sur le parti qu’il y avait à prendre. En même temps, Gines se mit à murmurer quelques mots d’insolence et de mécontentement, dont le sens était qu’on eût à prendre garde de le fâcher. À cette espèce de menace, le courroux de mon protecteur s’alluma ; le dédain et l’indignation étincelèrent dans ses yeux.

« Scélérat ! dit-il, je crois que vous nous menacez ! Vous imaginez-vous que nous serons vos esclaves ? Non, non, faites tout ce qui vous plaira. Allez, allez nous dénoncer au premier juge de paix ; je vous en crois assez capable. Monsieur, quand nous sommes entrés dans cette troupe, nous n’avons pas été assez sots pour ne pas voir que nous nous jetions dans une carrière semée de dangers. Un de ces dangers consiste à avoir avec soi des traîtres comme vous. Mais nous ne sommes pas venus jusqu’ici pour reculer devant personne. Croyez-vous que nous consentirons à vivre dans une crainte continuelle de vous, à trembler de vos menaces et à marchander avec votre insolence, toutes les fois qu’il vous plaira ? Ce serait là une belle vie à mener, en vérité ! J’aimerais cent fois mieux me faire te-