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Le paletot, voilà ton hic, ta bête noire,
Fût-il comme un gruyère ou comme une écumoire !
Tu préfères — l’ayant éprouvé, j’en réponds —
Aux chapeaux de Gibus la casquette à trois ponts !…
Que de fois j’en ai vu, des flemmards, des sangsues
Qui, pendant ton labeur, et tandis que tu sues,
Dorment à tes côtés ! sous ton outil !! pour eux
Tu n’as que tendre œillade et regards amoureux.
Moi — qui t’aurais aimé, malheureux ! — je t’encombre ;
Eux peuvent, étirant leurs abatis à l’ombre,
Se gausser de ton mal et de ta peine ; moi,
Si je viens à passer, tu m’outrages. Pourquoi ?
Pourquoi ? parce que ton inguérissable ulcère,
Ton mal immédiat, ton chancre nécessaire,
C’est ton respect humain. Oui ! ton respect humain.
Tu sais parfaitement qu’on te force la main.
Tu sais que l’on t’exploite, idiot ! fleur de cancre !
L’un avec sa salive et l’autre avec son encre,
L’un en journalisant, l’autre en rhétoriquant.
Te révolteras-tu, contre toi-même ? Quand ?
Bête brute, imbécile, animal, cœur de plâtre,
Ah, tu t’y plais, dans ton fumier, dans ton barathre !
Eh bien, restes-y donc ! chez tes sales amis !
Reste suspect, lépreux, entamé, compromis !
Reste ! Bien du plaisir ! reste avec ton engeance…

Mais ne proteste pas, le jour de la vengeance !




J avais, dans le Jardin des Plantes, un cher coin,
Frais dans l’été torride, et sentant bon le foin,
Où croissait le plantain, que le moineau ravage :
Un coin exquis, avec son petit air sauvage,
Avec son fourré nain, et le bruit de velours
Qu’apportait jusqu’à lui la fontaine de l’ours.
Quelquefois, quand un vent joueur trouait les branches,
On pouvait, de là, voir bondir les formes blanches
Des gazelles, passant comme un éclair, au loin.
C’était les champs ! C’était la campagne, ce coin !
Quand l’arsouille le vit charmant, et solitaire,
L’arsouille y vint.
Depuis, c’est plein d’étrons, par terre.