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Et s’éloigna, sans hâte, en crachant une ordure.

Il fit sagement. Moi, je n’ai pas l’âme dure,
J’apportais justement mon obole, à mon tour,
Une soupe, par moi trempée avec amour,
Laquelle soupe j’ai là-haut, pour les cas rares
Et qui contient toujours quelques vagues curares
Ou quelque chlorydrate alerte, précieux
Pour guérir les petits bobos de ces messieurs.


LA BERGE



V ersde vase, poux d’eau, rats d’égout, chiens crevés,
C’est sur la berge, au bord de l’eau, dans les pavés
Qu’on les voit, quand on a, comme moi, l’habitude
De descendre y chercher un peu de solitude.
Ironie ! Ils sont là. Les voilà !… Quels crayons
Diront ces spectres, sous leurs spectres de haillons ?
Quels pinceaux traceront, dans l’airain de l’Histoire
Ce tableau monstrueux, et cependant notoire !
Quel clairon saura dire aux siècles ahuris
Ce qu’était le rôdeur de berges, à Paris,
En l’an de honte mil huit cent quatre-vingt-quatre ?
Les voilà ! L’avenir aura beau se débattre,
Mentir, nier, rougir ! Je les vois. Ils sont là.
Ils sont ! Je ne dors pas ! Je les touche ! En voilà !
Sur cette berge, ici ! Là, sous ce pont de pierre !
Comme c’était urgent, pas vrai ? qu’un Robespierre,
Un Danton — et combien d’autres, plus malins qu’eux ! —
Vinssent, pour que, cent ans après ! s’offrît, visqueux,
Déchu, fini, crevé, mort, répugnant, obscène,
Le peuple de Paris sur les bords de la Seine.


LES MÈDES


Beaux, sous leurs haillons, comme les mèdes antiques…
Vallès


V allès, un soir, saisit sa lyre, brusquement !
Et, comme Xénophon, fit leur dénombrement.
Il dit l’armée, il dit l’exode. Il fut poète !
Lyrique, il consacra son article de tête