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reprit le président, bonjour, et fouette cocher. Le Seigneur vous maintienne en santé, s’écria la bande importune, et qu’il vous donne une longue vie ; l’écho du voisinage selon la coutume répéta, à faire rire, pendant un quart d’heure les dernières syllabes du souhait. Que le diable vous emporte, ajoutait le président : voilà-t-il pas une belle heure pour entendre des causes ? La chicane vient nous déterrer dans des endroits où je serais très fâché que la justice me rencontrât jamais.

Argentine se trouva assise sur mes genoux. Rozette m’avait rétabli dans mes anciens droits, et je m’en apercevais bien dans la position présente. Elle était à mon côté et veillait de près à ma conversation. Argentine est méchante, malgré les amitiés qu’elle faisait à Rosette, elle ne fut pas contente qu’elle n’eût ravi, même à perte, à sa rivale ce qui lui appartenait à titre de droit féodal. La nuit me cacha ce qui se passait entre Laurette et mon ami, ainsi je serai aussi discret que son ombre. Descendus chez nos demoiselles qui, ce soir, couchaient dans la même maison, nous les vîmes se mettre au lit, et après quelques jeux de mains très superficiels, nous leur souhaitâmes un bonsoir verbal, et nous nous retirâmes chez nous. En embrassant Rozette, je lui fis promettre qu’elle me recevrait bien le lendemain.

De quatre jours je ne vis le président. Ce qui m’est arrivé pendant cet intervalle n’est pas indifférent ; sans être romanesque, il a le singulier des aventures de ce genre.

Toutes les fois que je songe à Rozette, je ne puis comprendre comment on peut aimer par inclination une fille qui par son état est obligée de se livrer au premier qui en essaye la conquête. Je ne comprends pas, aussi par la même