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est jalouse ; les filles du genre de ces demoiselles ne le sont pas précisément et en forme, mais elles ne sont point insensibles ; pourquoi ayant des agréments, l’orgueil ne serait-il pas aussi leur apanage ? Sans se dire mot, elles se le donnèrent pour empêcher que Rozette à son arrivée ne profitât de ce qu’elles avaient mérité, comme premières occupantes. Ce système ne portait pas à faux. En punissant l’amour que j’avais pour Rozette, elles avaient deux satisfactions : la première, de se procurer de l’amusement ; la seconde, d’en priver une rivale ; ce dernier motif suffisait : les femmes font quelquefois le mal pour le mal, mais leur malice est bien industrieuse lorsqu’elle doit être récompensée par le plaisir.

On remit le dessert à l’avènement de Rozette. J’ai oublié de vous dire, cher marquis, que c’était elle-même qui avait apporté la lettre ; et que, de concert avec Laverdure, elle s’était cachée dans un appartement voisin, d’où elle était témoin de ce qui se passait dans le nôtre. Que n’en fus-je informé ? j’aurais été mettre le secret de sa retraite à contribution ; bien différents de vous autres militaires, nous n’en levons que dans les pays qui nous sont les plus chers.

Quelques raisons ayant obligé Argentine à sortir, le président lui donna la main ; nous restâmes seuls, Laurette et moi.

Argentine était en robe détroussée de moire citron, avec une coiffure qui demandait à être chiffonnée. Laurette était parée, avait du rouge et un ajustement des plus lestes. La simplicité embellissait Argentine, et Laurette trouvait mille avantages dans sa parure. Rien ne peut enlaidir une jolie femme ; et on peut se flatter d’être passable, quand on n’est point changée par l’affectation de la parure.