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on s’exprime avec sa variété. Il n’y a pas un petit maitre, ou une petite maitresse qu’il ne connaisse, par nom, surnom, intrigues, qualités, mœurs et aventures : il sait la chronique médisante de tout Paris.

Voici, me disait-il, ce grand Flamand au teint pâle, qui joue si gros jeu. Il est au-dessus et au-dessous de nous de toute sa tête. Voyez-vous le sage Damis au regard ingénieux et spirituel, on croirait qu’il pense, il donne bonne idée de lui lorsqu’il ne dit mot, sa physionomie est une menteuse, et cet homme-là n’est bon qu’à être son portrait.

Vous voyez le petit duc dans son équipage ? il joue le galant et le passionné auprès des dames, mais on sait son gout, et l’on est persuadé qu’il triche toujours en de telles parties.

N’avez-vous pas aperçu la comtesse de Dorigny, elle est toujours dans son vis-à-vis seule, elle court de maison en maison pour annoncer une pièce que l’on donnera ce soir aux Italiens pour la première fois : elle dit à tout le monde qu’elle en est très contente, et ne l’a pas lue ; c’est le secrétaire de son frère qui en est auteur, elle en jugera en faisant des nœuds. Voici le jeune Poliphonte, il court à toute bride dans son phaéton bleu-céleste ; fils d’un riche marchand de vin, il se croit un Adonis, il est bien le favori de Bacchus, mais il ne le sera jamais de l’amour.

Je n’ose, continuait-il, regarder la porte d’Hébert[1], il me vend toujours mille choses malgré moi, il en ruine bien d’autres en bagatelles. Il fait en France ce que les Français font à l’Amérique, il donne des colifichets pour des lingots d’or.

  1. Marchand-bijoutier, rue Saint-Honoré, vis-à-vis le Grand-Conseil.