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Rome par les Gaulois, restèrent tranquilles dans leurs chaises curules et y reçurent la mort.

Les peuples anciens reconnaissaient les dieux à la bonne odeur qui naissait sous leurs pas : je réponds que pas un de ceux qui avaient diné avec nous n’eût eu des autels chez les païens.

L’effet du ratafia, ou plutôt du philtre, n’avait pas borné son pouvoir à donner de la fluidité aux corps hétérogènes avec lesquels il s’était trouvé ; il avait aussi mis en feu la concupiscence des particuliers dans lesquels il s’était introduit. Nous en vîmes plusieurs qui, dans leurs transports amoureux, embrassaient sans distinction toutes les femmes ou filles qui s’offraient à leurs yeux : sans doute ils désiraient davantage et le faisaient voir, mais il y avait un trop grand concours, la honte les enchainait. La nature est une sotte de se cacher toujours pour faire son plus agréable ouvrage : c’est précisément lorsqu’on a le moins de modestie qu’on en veut le plus avoir. Nous fûmes témoins qu’un vieux chapelain de plus de soixante ans, qui, sans doute, avait doublé la mesure de la liqueur, ou qui était dans une certaine habitude, se mit à poursuivre une bergère assez laide et âgée au travers d’un pré et dans un déshabillé peu honnête : on cria après lui : la nymphe fuyait, le nouvel Apollon était prêt à enlever sa chère Daphné, lorsqu’elle se précipita dans une mare d’eau bourbeuse où tomba à sa suite le dieu ecclésiastique, dont on le tira, lui et la nymphe, bien couverts de boue dans laquelle ils étaient presque métamorphosés. Quel comique spectacle, cher marquis ! Que Calot n’était-il là ? Il en eût fait une de ses plus jolies fantaisies. C’était pourtant l’amour qui causait tout ce désordre. Si, d’un côté, il troublait l’office de l’église, il ne