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ni ma voisine ni moi n’en bûmes point, ayant toujours usé de vin de Bourgogne que nos domestiques avaient apporté. Bien nous en prit : M. le prédicateur se repentit d’en avoir trop peu ménagé la dose. Nous sortîmes et fûmes à l’église. Ma bonne amie était à mes côtés, ce n’était pas trop là la situation où je l’aurais voulu, mais celle-là était encore assez pour le lieu.

Le prédicateur commença au mieux, son texte fut heureux et, comme il faisait le panégyrique d’une vierge, son sermon devait être une exhortation à la chasteté, il ne l’acheva pas.

Il est à propos de remarquer que la liqueur qui était dans ce vase mentionné avait eu le temps de fermenter et de s’insinuer dans toutes les parties du prétendu ratafia : c’était une composition d’une force extraordinaire qui avait deux effets, l’un de mettre le sang eh fureur et d’exciter un amour violent, l’autre d’égaler la médecine la plus purgative ; le tout plus promptement ou plus lentement suivant la constitution des corps.

Déjà l’orateur chrétien s’échauffait, se battait les flancs et nous endormait, lorsque le ratafia commença à opérer en lui. Il y résista quelque temps : l’autre effet de la même liqueur fermentait et s’animait par degrés chez la plupart des curés et de ceux qui avaient été au diner ; rien ne m’a tant amusé que de voir de saints ecclésiastiques se tourmenter sur leurs chaises et rouler leurs yeux d’une façon injurieuse à l’aimable vertu de continence dont l’orateur entamait déjà le panégyrique. Les paysans riaient intérieurement de ce qu’ils voyaient et leur malignité naturelle n’avait alors aucun respect pour leurs directeurs : il fut encore bien moindre dans la suite.

Le Chrysostome de village ayant fait un effort violent en