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habitait un reste de château, échappé à la fureur du déluge, et qui, ayant à peine le nécessaire, dédaignait avec orgueil le commerce de ses voisins qui eussent pu lui rendre service, et cela parce que, comme lui, ils n’avaient pas eu un de leurs ancêtres tué auprès de Philippe à la bataille de Bouvines. Ici, je rencontrais une maison assez bien ornée, quoique les tapisseries en parussent avoir été travaillées par les mains du temps, lorsqu’il était encore en son enfance. On m’y recevait avec aisance, mais je n’y rencontrais que des bégueules provinciales qui n’avaient lu et admiré que le conte assez gentil de Vert-Vert. Dans un autre côté, je me rencontrais avec des moines qui me faisaient des fêtes superbes ; elles m’eussent plu, si tout ce que font ces gens-là n’avait toujours un gout de froc qui m’est insupportable. Enfin, cher marquis, pendant six semaines, je ne fus occupé qu’à parcourir tantôt tout seul, tantôt en la compagnie de mon père, des gentilhommières où je ne découvrais que bon cœur sans délicatesse ou politesse sans gout, et telle que la pratiquaient nos bons aïeux. Un de nos bons petits soupers d’hiver vaut une éternité de ces plaisirs champêtres. En vain voulus-je chercher quelque aventure amusante, les circonstances ne se présentaient pas, et, quelquefois, lorsque je croyais en avoir trouvé de favorable à mes désirs, justement les plus jolies Picardes n’avaient que la tête chaude.

Comme ceux qui aiment les fleurs en surprennent partout, je me saisis de quelques-unes par occasion, mais je ne m’en fais pas gloire ; d’ailleurs, elles n’étaient pas choisies dans des parterres qui pussent, comme à Paris, donner un certain lustre à celles qui sont les plus communes. Voici la seule rencontre où je me suis un peu amusé.