infini par leur course rapide. Notre conversation pendant le chemin fut peu intéressante, je ris seulement de ce que M. Le Doux fit un signe de croix en passant par devant l’Opéra. Le président nous reçut d’un air enjoué et, après avoir obligé M. Le Doux à prendre des rafraichissements, nous entrâmes en matière. Quand on est en compagnie, on se sent plus de hardiesse. Je lui exposai que j’aimais Rozette, que j’étais cause de son malheur et que, si mon père la retenait encore longtemps, je me porterais à des extrémités ; que je consentais à ne la plus revoir, mais qu’aussi je voulais être certain qu’elle n’était pas dans l’état le plus déplorable. Le saint homme m’écouta très pacifiquement, et, contre mon attente, il s’étendit fort peu sur la morale et me fit grâce d’un bel et beau sermon qu’il était en droit de débiter. Après un préambule grave sur la sagesse de mon père et la légèreté de ma conduite, il me dit qu’il lui était impossible, selon Dieu et sa conscience, de se mêler de cette affaire. En vain lui fis-je diverses représentations : sourd à mes prières, il me pria très sérieusement à son tour de ne lui jamais parler dans ce genre. J’étais sur le point de me retirer, le désespoir dans le cœur, lorsque le président laissa échapper comme par hasard : « C’est dommage, en vérité, car cette fille-là pense bien sur les affaires du « temps, et même elle a eu des convulsions en conséquence. »
Rozette, cher marquis, n’a jamais rien pensé sur ces matières, parce qu’elle ne les connait pas ; pour des convulsions, elle n’en a jamais éprouvées qu’en amour. Ce mot du président me servit beaucoup, puisque, dans la suite, il fut cause de l’élargissement de Rozette, qui n’eût point réussi sans M. Le Doux.