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mon feu avait eu son essor le matin, et le président, sans s’être trouvé dans ma première position, était par habitude dans la seconde.

Nous passâmes chez la belle bijoutière de la rue Saint-Honoré d’où, après avoir examiné, critiqué, contrôlé, marchandé mille choses différentes, nous sortîmes sans en emporter une seule. Je revins diner à la maison et j’y restai jusqu’à l’arrivée de M. Le Doux. Il tint sa promesse et me rendit sa visite un peu avant trois heures. Il salua mon père, leur conférence fut très courte ; il me joignit au jardin, et, après m’avoir lu un article des Nouvelles ecclésiastiques, où on traitait très plaisamment un évêque constitutionnaire, et m’avoir informé de quelques anecdotes sur le chapitre de deux autres, il me demanda quel était le sujet de la confidence que je lui destinais. Je lui répondis que je ne pouvais m’ouvrir que chez le président de Mondorville, que mon carrosse était dans la cour à nous attendre et que nous irions s’il y consentait. Nous partîmes ; comme je serais fâché, cher marquis, qu’on ne me prit pas pour un jeune conseiller, je vais toujours dans Paris à toute bride, mes chevaux y sont accoutumés. M. Le Doux, qui ne monte en équipage qu’avec des dévotes et des vieilles, fut effrayé de mon train et me pria d’ordonner à mes gens de ne se pas tant précipiter. Il m’ajouta qu’il n’était pas séant qu’on vît un ecclésiastique courir comme un jeune homme ; il me cita même un passage latin d’un Concile de Jérusalem qui défend aux cochers d’obéir aux maitres qui leur commandent d’aller plus vite que le pas.

Je vous avoue, marquis, que je fus bien humilié dans ma route ; je rencontrai plusieurs seigneurs qui n’avaient que de très mauvais chevaux et qui se faisaient un honneur