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estampes. La jeune fille les ramassa par propreté, et, ne croyant pas être vue, les examina par sensualité. J’en augurai bien pour la satisfaction d’un de ces désirs qui naissent à l’instant, dont l’effet était alors prodigieux en moi et que, pour tout jeune homme, la beauté fait galamment éclore. Je crus apercevoir que ce qu’elle avait examiné, quoique très rapidement, avait fait sur elle une agréable impression. Un rien trahit la passion dominante, et il n’y a personne qui n’en ait une ; un signe sur le visage développe les replis de l’âme la mieux sur la défensive. Nanette, c’était son nom, me fit une révérence simple et gracieuse, et me présenta sans affectation la lettre qui m’était adressée ; je jetai les yeux dessus et sur celle qui me la remettait, elle méritait bien les regards d’un galant homme.

Imaginez-vous, cher marquis, une grande fille d’une taille ordinaire, mais bien tournée : déliée et ferme sur ses jambes, de grands sourcils noirs, de belles dents, un teint qui était disposé à recevoir des couleurs, et qui, pour lors, ne jouissait que de la blanche. Une gorge qui ne paraissait pas, mais qui, cachée avec affectation, disait aux curieux qu’elle était digne de faire leur admiration et leur plaisir. Sa coiffure et son habillement répondaient à la simplicité de tout son extérieur ; elle me parut une dévote aisée, et qui, âgée de vingt-huit à trente ans, ne prendrait de parti que suivant les circonstances. Je la fis assoir et je lus la missive. M. Le Doux me marquait qu’il était au désespoir de ne pouvoir se trouver chez moi à neuf heures, selon sa promesse, parce qu’il était obligé d’aller visiter les pauvres prisonniers du Petit-Châtelet avec une dame qui, depuis deux jours, avait renoncé solennellement au monde : que sur les deux ou trois heures,