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Jadis assez jolie et coquette affichée, maintenant bigote avec le même éclat, ainsi que beaucoup de ses semblables, elle s’est rangée sous la direction de ce saint homme qui les conduit assez vertement dans le chemin de la vie éternelle. Entre les gens dévots, cher marquis, ainsi que parmi les personnes du monde, il est certains moments d’indifférence ou de ralentissement de ferveur ; quelquefois môme il s’élève de saintes piques, qui, dans la suite, ne servent qu’à donner une nouvelle pointe à la charité ; ce fut du fond d’une bouteille de Champagne que sortit la réconciliation entre des personnes qui se disaient ennemis des sens.

Le président de Mondorville arrivait de campagne, et il ne savait rien de mon aventure. Il n’était pas temps de la lui raconter, et le lieu ne paraissait pas convenable à un pareil récit. L’ignorance où il en était lui fit tenir de très jolis propos à mon sujet, qui étaient d’autant plus plaisants qu’ils étaient plus justes. Toute la compagnie en riait, j’étais intérieurement fâché contre lui, mais sans lui en vouloir ; et je puis dire qu’en cette circonstance, le président avait un esprit infini sans le savoir.

Après le souper, je pris en particulier M. Le Doux et le priai de me faire l’honneur de me rendre une visite le lendemain matin, parce que j’avais une affaire importante à lui communiquer ; il s’imagina qu’il s’agissait de quelque cas de conscience, ou même de ma conversion : ces messieurs ne s’imaginent pas qu’il y ait d’autres choses plus intéressantes dans l’univers. Il m’assura qu’il se rendrait chez moi sur les neuf heures. Je lui promis de l’attendre avec une tasse de chocolat qu’il accepta, après que je lui eus persuadé que le mien était préférable à celui dont il usait ordinairement.