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On vint m’avertir que le souper était servi : je descendis. La compagnie était assez bien composée. Plusieurs dames s’y trouvèrent qui, dans d autres temps, m’eussent paru charmantes et qui l’étaient en effet. La brillante Mme Ducœurville et son aimable compagne s’y étaient donné rendez-vous, elles n’étaient que deux de leur parti, mais l’amour qui les embellissait faisait en leur faveur un tiers dont elles n’avaient pas lieu de se plaindre. La sage Rosalie y avait suivi son époux ; la vertu qui est dans son cœur est peinte dans ses yeux. On l’adorerait toujours, la vertu, si elle avait le talent de se placer ainsi à son avantage. La coquette Mme de Blasamond avait apporté toutes ses minauderies, mais, ce soir-là, elle leur donna un jeu si nouveau que j’en fus surpris comme d’une nouvelle décoration dont on nous ferait la galanterie à l’Opéra.

Les deux petites sœurs ne contribuaient pas peu à l’ornement du souper ; l’une chanta, à ravir et l’autre enleva tous les cœurs par ses saillies ingénieuses. Nous avions en hommes, le président et le chevalier de Mirval ; ils s’attaquèrent quelque temps à la grande satisfaction de l’assemblée et pour la gloire de leurs esprits épigrammatiques. Le gros géomètre nous fit beaucoup d’extraits de vin de Champagne, et l’abbé Desétoilles nous parodia toutes les dames de la Sousferme. Bref, je me serais fort réjoui sans le chagrin qui s était emparé de mon âme. L homme serait trop heureux s’il pouvait à son gré disposer des situations de son cœur ! Que le mien était mal à son aise ! M. Le Doux s’y trouva aussi, mon père avait gagné sur lui cet extraordinaire, afin de le raccommoder avec la vieille comtesse de Saint-Étienne. Vous avez cent fois entendu parler de cette insupportable dévote.