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une dame qui rougit nécessairement de demander quelque grâce à un homme. Toute autre que Mme Dorville eût été aussi embarrassée, car jamais chute n’a été plus précipitamment amenée. Si les dames saisissaient ainsi le moment à propos, elles ne courraient pas risque de leur honneur : ce qui les perd, est-ce ce qu’elles accordent ? Non, c est le temps qu’elles perdent à le faire attendre.

L’épouse du chevalier exposa à mon père le sujet de sa visite. Après une audience assez longue, il se trouva que mon père n’était point juge dans ce procès, mais qu’il était pendant à une des enquêtes dont j’ai l’honneur d’être membre, et que c était moi que l’on devait solliciter.

Mon père me fit appeler. Je ne voulus pas descendre ; ce ne fut qu’après un ordre précis que j’obéis. Je refusais d autant plus qu’on me disait que c’était pour une dame qui avait un grand procès. Je crus d’abord qu’hors d’elle-même, Mme Dorville avait découvert à mon père mon imprudence ; mon feu était tombé et l’esprit de vengeance s’était un peu radouci. Où était donc alors, cher marquis, la parfaite connaissance que j’ai du sexe ? Une femme se vante-t-elle jamais de pareille aventure ; elle s’en applaudit intérieurement, elle sait bien qu’on n’est malhonnête homme qu’avec une jolie personne et elle ne peut vouloir du mal à qui lui a donné du plaisir. Dans le vrai, ne doit-on pas savoir gré à quelqu’un qui vous délivre du cérémonial ? Lucrèce se tua, mais après coup ; et peut-être de désespoir de ce qu’elle craignait ne pouvoir plus recommencer.

Je parus. Je saluai Mme Dorville avec respect comme si je ne l’eusse pas connue, cognoveram. Elle ne se démonta point, et m’expliqua son affaire assez intelligemment : mon père sortit ; Mme Dorville entra en fureur contre moi ; elle