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leur fournissait toutes les occasions désirables de s’instruire sur l’ostéologie de l’homme. Le soin même de leur sensualité en les portant à étudier la nature des os, afin de savoir, à point nommé, où trouver la moelle, leur procurait l’expérience pratique. C’est ainsi que se montrent si savants les habitants actuels de la Sibérie méridionale. Leurs connaissances anatomiques, en ce qui concerne les différentes catégories d’animaux, sont aussi sûres que détaillées (1)[1].

De l’habitude de voir des squelettes, de les manier, de les rompre, à l’idée de raccommoder un membre brisé ou de remplir un alvéole, le passage est extrêmement court. Il ne faut ni une intelligence extraordinaire ni un degré de culture générale bien avancé pour le franchir. Néanmoins il est intéressant de constater que les Finnois le savaient faire, parce qu’on s’explique ainsi un fait resté jusqu’à présent énigmatique, le plombage des dents malades chez les plus anciens Romains, habitude à laquelle fait allusion un article de la loi des XII Tables. Ce procédé médical, inconnu aux populations de la Grande-Grèce, provenait des tribus sabines ou des Rasênes, qui ne pouvaient l’avoir reçu que des anciens possesseurs jaunes de la péninsule. Voilà comment le bien sort du mal, et comment l’ostéologie, avec ses applications bienfaisantes, a sa source première dans l’anthropophagie.

Si l’on a quelque droit de s’étonner d’avoir pu tirer de pareilles conclusions de l’examen des squelettes trouvés dans les dolmens, on était fondé à en attendre les moyens de préciser physiologiquement le caractère ethnique des populations auxquelles ils ont appartenu. Malheureusement les résultats obtenus jusqu’ici n’ont pas justifié cette espérance : ils sont des plus pauvres.

Pour première difficulté, on a peu de corps entiers. Le plus souvent les cadavres, altérés par des accidents inévitables, à la suite de si longs siècles d’inhumation, n’offrent qu’un objet d’examen fort incomplet. Trop fréquemment aussi, les explorateurs,



(1) Huc, Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine, t. II.

  1. (1) Huc, Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine, t. II.