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les Grecs conquirent l’Asie, ils arrivèrent en nombre plus médiocre encore ; ils ne firent pas précisément ce qu’on appelle une colonisation. Isolés par petits groupes au milieu d’un immense empire, ils se noyèrent tout d’un coup dans l’élément sémitique. Le grand esprit d’Alexandre dut comprendre qu’après son triomphe, c’en était fait de l’Hellade ; que son épée venait d’accomplir l’œuvre de Darius et de Xerxès, en renversant seulement les termes de la proposition ; que, si la Grèce n’avait pas été asservie lorsque le grand roi avait été à elle, elle l’était maintenant qu’elle avait marché vers lui ; elle se trouvait absorbée dans sa propre victoire. Le sang sémitique engloutissait tout. Marathon et Platée s’effaçaient sous les vénéneux triomphes d’Arbelles et d’Issus, et le conquérant grec, le roi macédonien, se transfigurant, était devenu le grand roi lui-même. Plus d’Assyrie, plus d’Égypte, plus de Perside, mais aussi plus d’Hellade : l’univers occidental n’avait désormais qu’une seule civilisation.

Alexandre mourut ; ses capitaines détruisirent l’unité politique ; ils n’empêchèrent pas que la Grèce entière, et, cette fois, avec la Macédoine comprimée, envahie, possédée par l’élément sémitique, ne devint le complément de la rive d’Asie. Une société unique, bien variée dans ses nuances, réunie cependant sous les mêmes formes générales, s’étendit sur cette portion du globe qui, commençant à la Bactriane et aux montagnes de l’Arménie, embrassa toute l’Asie inférieure, les pays du Nil, leurs annexes de l’Afrique, Carthage, les îles de la Méditerranée, l’Espagne, la Gaule phocéenne, l’Italie hellénisée, le continent hellénique. La longue querelle des trois civilisations parentes qui, avant Alexandre, avaient disputé de mérite et d’invention, se termina dans une fusion de forces également du sang sémitique amenant la proportion trop forte d’éléments noirs, et de cette vaste combinaison naquit un état de choses qu’il est aisé de caractériser.

La nouvelle société ne possédait plus le sentiment du sublime, joyau de l’ancienne Assyrie comme de l’antique Égypte ; elle n’avait pas non plus la sympathie de ces nations trop mélaniennes pour le monstrueux physique et moral. En bien