Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

province perse, peut-être bien heureuse de l’être et de connaître ainsi le repos.

De leur côté, les Perses, avertis par leurs échecs, se conduisaient avec autant de prudence et de sagesse que leurs petits voisins en montraient peu. Ils avaient soin d’entretenir dans leurs armées des corps nombreux d’auxiliaires hellènes ; ils les affectionnaient à leur service en les payant bien, en ne leur ménageant pas les honneurs. Souvent ils les employaient avec profit contre les populations ioniennes, et ils avaient alors la secrète satisfaction de ne pas voir s’alarmer la conscience calleuse de leurs mercenaires. Ils ne manquaient jamais d’incorporer dans ces troupes les bannis jetés sous leur protection par les révolutions incessantes de l’Attique, de la Béotie, du Péloponèse ; hommes précieux, car leurs villes natales étaient précisément celles contre qui s’exerçaient de préférence leur courage et leurs talents militaires. Enfin quand un illustre exilé, homme d’État célèbre, guerrier renommé, écrivain d’influence, rhéteur admiré, se réclamait du grand roi, les profusions de l’hospitalité n’avaient pas de bornes ; et qu’un revirement politique ramenât cet homme dans son pays, il rapportait au fond de sa conscience, fût-ce involontairement, un bout de chaîne dont l’extrémité était rivée au pied du trône des Perses. Tels étaient les rapports des deux nations. Le gouvernement raisonnable, ferme, habile de l’Asie avait certainement gardé plus de qualités arianes que celui des cités grecques méridionales, et celles-ci étaient à la veille d’expier durement leurs victoires de parade, lorsque l’état de faiblesse inouïe où elles gémissaient fut justement ce qui amena la péripétie la plus inattendue.

Tandis que les Grecs du sud se dégradaient en s’illustrant, ceux du nord, dont on ne parlait pas, et qui passaient pour des demi-barbares, bien loin de décliner, grandissaient à tel point, sous l’ombre de leur système monarchique, qu’un matin, se trouvant assez lestes, fermes et dispos, il gagnèrent les Perses de vitesse, et, s’emparant de la Grèce pour leur propre compte, firent front aux Asiatiques et leur montrèrent un adversaire tout neuf. Mais si les Macédoniens mirent la main sur la Grèce, ce