Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le conflit devait éclater par l’effet de l’attraction naturelle de la Grèce à demi sémitique vers la côte d’Asie, vers le centre assyrien, et de la côte d’Asie elle-même un peu arianisée vers l’Hellade. On allait voir le succès de la première tentative d’annexion. On y était préparé ; mais il trompa tout le monde, car il s’accomplit en sens contraire à ce qu’on avait dû prévoir.

La puissance perse, si démesurément grosse et redoutée, prit de mauvaises mesures. Xerxès se conduisit en Agramant. Sa giovenil furore n’accorda aucun égard aux conseils des hommes sages. Les Grecs eurent beau, s’abandonnant les uns les autres, commettre des lâchetés impardonnables et les plus lourdes fautes, le roi s’obstina à être plus fou qu’ils n’étaient maladroits, et, au lieu de les attaquer avec des troupes régulières, il voulut s’amuser à repaître les yeux de sa vanité du spectacle de sa puissance. Dans ce but, il rassembla une cohue de 700.000 hommes, leur fit passer l’Hellespont sur des ouvrages gigantesques, s’irrita contre la turbulence des flots, et alla se faire battre, à la stupéfaction générale, par des gens plus étonnés que lui de leur bonheur et qui n’en sont jamais revenus.

Dans les pages des écrivains grecs, cette histoire des Thermopyles, de Marathon, de Platée, donne lieu à des récits bien émouvants. L’éloquence a brodé sur ce thème avec une abondance qui ne peut pas surprendre de la part d’une nation si spirituelle. Comme déclamation, c’est enthousiasmant ; mais, à parler sensément, tous ces beaux triomphes ne furent qu’un accident, et le courant naturel des choses, c’est-à-dire l’effet inévitable de la situation ethnique, n’en fut pas le moins du monde changé (1)[1].



(1) Les dates sont persuasives : la bataille de Platée fut gagnée le 22 novembre 479 avant J.-C. et l’enivrement des Grecs dure encore et se perpétue dans nos collèges. Mais, outre que la plus grande partie de la Grèce avait été l’alliée des Perses, Sparte, le plus fort de leurs antagonistes, se hâta de conclure une paix séparée en 477, c’est-à-dire deux ans après la victoire. Si Athènes résista plus longtemps à cet entraînement naturel, c’est qu’elle trouvait du profit à maintenir la confédération pour avoir des alliés à opprimer et piller. (Mac Cullagh, t. I, p. 157.) — On peut juger du caractère de cette politique

  1. (1) Les dates sont persuasives : la bataille de Platée fut gagnée le 22 novembre 479 avant J.-C. et l’enivrement des Grecs dure encore et se perpétue dans nos collèges. Mais, outre que la plus grande partie de la Grèce avait été l’alliée des Perses, Sparte, le plus fort de leurs antagonistes, se hâta de conclure une paix séparée en 477, c’est-à-dire deux ans après la victoire. Si Athènes résista plus longtemps à cet entraînement naturel, c’est qu’elle trouvait du profit à maintenir la confédération pour avoir des alliés à opprimer et piller. (Mac Cullagh, t. I, p. 157.) — On peut juger du caractère de cette politique par le décret rendu sur la proposition de Périclès et en vertu duquel le peuple athénien déclarait ne devoir aucun compte de l’emploi des fonds communs de la ligue. (Ibid., p. 161 ; Bœckh, die Staatshaushaltung der Athener, t. I, p. 429.)