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dix-huit cents ans qui se sont écoulés depuis, le travail de fusion, bien qu’incessamment continué et préparant ses conquêtes ultérieures sur une échelle plus considérable que jamais, n’a pas été aussi directement efficace. Mais, outre ce qu’il s’est créé de moyens d’action pour l’avenir, il a beaucoup augmenté la confusion ethnique dans l’intérieur de toutes les sociétés, et, par conséquent, hâté d’autant l’heure finale de la perfection de l’amalgame. Ce temps-là est donc bien loin d’avoir été perdu ; et, puisqu’il a préparé l’avenir, et que d’ailleurs les trois variétés ne possèdent plus de groupes purs, ce n’est pas exagérer la rapidité du résultat que de lui donner pour se produire un peu moins de temps qu’il n’en a fallu pour que ses préparations en arrivassent au point où elles sont aujourd’hui. On serait donc tenté d’assigner à la domination de l’homme sur la terre une durée totale de douze à quatorze mille ans, divisée en deux périodes : l’une, qui est passée, aura vu, aura possédé la jeunesse, la vigueur, la grandeur intellectuelle de l’espèce ; l’autre, qui est commencée, en connaîtra la marche défaillante vers la décrépitude.

En s’arrêtant même aux temps qui doivent quelque peu précéder le dernier soupir de notre espèce, en se détournant de ces âges envahis par la mort, où le globe, devenu muet, continuera, mais sans nous, à décrire dans l’espace ses orbes impassibles, je ne sais si l’on n’est pas en droit d’appeler la fin du monde cette époque moins lointaine qui verra déjà l’abaissement complet de notre espèce. Je n’affirmerai pas non plus qu’il fût bien facile de s’intéresser avec un reste d’amour aux destinées de quelques poignées d’êtres dépouillés de force, de beauté, d’intelligence, si l’on ne se rappelait qu’il leur restera du moins la foi religieuse, dernier lien, unique souvenir, héritage précieux des jours meilleurs.

Mais la religion elle-même ne nous a pas promis l’éternité ; mais la science, en nous montrant que nous avons commencé, semblait toujours nous assurer aussi que nous devions finir. Il n’y a donc lieu ni de s’étonner ni de s’émouvoir en trouvant une confirmation de plus d’un fait qui ne pouvait passer pour douteux. La prévision attristante, ce n’est pas la mort, c’est