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littéraire et artistique de la Grèce fut celle où l’on sut bâtir, sculpter, fondre, peindre, composer des chants lyriques, des livres de philosophie et des annales crédules. Mais je reconnais en même temps qu’avant cette époque, bien longtemps avant, il y eut un moment où, sans se soucier de toutes ces belles choses, le génie arian, presque libre de l’étreinte sémitique, se bornait à la production de l’épopée, et se montrait admirable, inimitable sur ce point grandiose, autant qu’ignorant, inhabile et peu inspiré sur tous les autres (1)[1]. L’histoire de l’esprit grec comprend donc deux phases très distinctes, celle des chants épiques sortis de la même source que les Védas, le Ramayana, le Mahabharata, les Sagas, le Schahnameh, les chansons de geste : c’est l’inspiration ariane. Puis vint, plus tard, l’inspiration sémitique, où l’épopée n’apparut plus que comme archaïsme, où le lyrisme asiatique et les arts du dessin triomphèrent absolument.

Homère, soit que ce fût un homme, soit que ce nom résume la renommée de plusieurs chanteurs (2)[2], composa ses récits au moment où la côte d’Asie était couverte par les descendants très proches des tribus arianes venues de la Grèce. Sa naissance prétendue tombe, suivant tous les avis, entre l’an 1102 et l’an 947. Les Æoliens étaient arrivés dans la Troade en 1162, les Ioniens en 1130. Je ferai le même calcul pour Hésiode, né en 944 en Béotie, contrée qui, de toutes les parties méridionales de la Grèce, conserva le plus tard l’esprit utilitaire, témoignage de l’influence ariane.

Dans la période où cette influence régna, l’abondance de ses



(1) « It is the epic poetry which forms at once both the undoubted prerogative and the solitary jewel of the earliest aera of Greece. » (Grote, t. II, p. 158 et 162.)

(2) L’opinion de Wolf est appuyée sur des considérations décisives, Homère, lorsqu’il parle d’un chanteur, de Démodocus, par exemple, ne considère jamais les poèmes dont il charme les auditeurs comme étant des fragments d’un grand tout. Il dit : « Il chanta ceci, ou bien il chanta cela. » L’Iliade et l’Odyssée ne semblent être que des composés de ballades séparées. Dans le premier de ces ouvrages, observe un historien, en isolant les livres I, VIII, XI à XXII, on obtient une Achilléide complète. (Grote, t. II, p. 202 et 240.)

  1. (1) « It is the epic poetry which forms at once both the undoubted prerogative and the solitary jewel of the earliest aera of Greece. » (Grote, t. II, p. 158 et 162.)
  2. (2) L’opinion de Wolf est appuyée sur des considérations décisives, Homère, lorsqu’il parle d’un chanteur, de Démodocus, par exemple, ne considère jamais les poèmes dont il charme les auditeurs comme étant des fragments d’un grand tout. Il dit : « Il chanta ceci, ou bien il chanta cela. » L’Iliade et l’Odyssée ne semblent être que des composés de ballades séparées. Dans le premier de ces ouvrages, observe un historien, en isolant les livres I, VIII, XI à XXII, on obtient une Achilléide complète. (Grote, t. II, p. 202 et 240.)